segunda-feira, 25 de fevereiro de 2013

AMOUR - Meilleur film étranger - OSCARS 2013


CANNES 2012: PALME D'OR POUR «AMOUR», DE MICHAEL HANEKE

Deux personnes âgées, dont l’une gravement malade, un appartement bourgeois vieillot. Amour, a priori titre antiphrase qui peut s’entendre “à mort”, c’est cela : un oratorio funèbre, un huis clos d’agonie, un film-tombeau.

Sur le papier, de quoi faire fuir tout candidat spectateur normalement constitué. Ou n’attirer que des pervers morbides. Sauf qu’Amour, titre à comprendre aussi au tout premier degré, c’est cela et tout autre chose que cela : un intense film de couple, une radiographie aussi précise qu’universelle de cette partie de nos existences qu’on appelle “la fin de vie”, “l’hiver de nos années”, “le troisième âge”, et qui fait autant partie de notre condition que le bac à sable, l’adolescence ou la trentaine (supposée) conquérante.
Sur l’écran, la transfiguration vibrante de ce qui est couché sur le papier, de quoi captiver tout cinéphile normalement constitué. Pervers morbides inclus.

Anne et Georges sont octogénaires et ensemble depuis “toujours”. On les cueille un soir dans le bus, à la sortie d’un opéra, sur le chemin du retour à l’appartement – que l’on ne quittera plus. Le lendemain matin, Anne connaît une petite absence passagère.
Quelques jours plus tard, elle subit une attaque cérébrale qui la laisse à demi paralysée. La mise en scène de Michael Haneke est simple, désossée à l’extrême : chaque moment du quotidien de Anne et Georges
est saisi en plan-séquence fixe, caméra plantée dans telle ou telle pièce, couloir, encoignure de porte ou moulure haussmannienne de l’appartement.

Le style d’Haneke a toujours été sec, froid. Il reste ici fidèle à son approche épurée, la dégraisse de cette volonté démonstrative qui encombrait certains de ses films précédents (Funny Games, Code inconnu…) mais la réchauffe par l’attention portée aux détails parfois infimes qui nourrissent la relation au long cours de ses deux personnages.
Petits gestes quotidiens, douceur d’un reproche, plaisir partagé d’une conversation. Puis, dans le temps de la maladie, l’abnégation du valide qui aide la partenaire handicapée dans tous ces moments banals que nous accomplissons chaque jour sans réfléchir (faire sa toilette, se nourrir, se déplacer…).
L’amour à 80 ans n’est pas comme à 20 ans mais c’est toujours l’amour, peut-être même son degré d’achèvement ou de dépouillement ultime puisqu’il est débarrassé de tout enrobage romantique, réduit à l’essence de la vie partagée par deux êtres. Mise amour, mise à mort, telle est la martingale existentielle de ce film.

L’aventure, ici, ce n’est pas un enchaînement de péripéties à la James Bond, mais les coups tordus de la vieillesse. L’héroïsme, ce n’est pas lutter contre une organisation terroriste mais continuer la relation de couple malgré la solitude qui vient et le terminus qui approche. Le suspense, c’est la mort – pour le coup comme dans un thriller.
Comme le répond calmement et fermement Georges à leur fille affolée (Huppert, toujours nickel) qui s’écrie qu’il faut faire quelque chose : “Il n’y a rien à faire, ça va être de pire en pire, puis ça s’arrêtera.” Pas de consolation, pas de pathos, pas de faux espoirs, pas de “Anne va s’en sortir et gambader”, pas de béquille divine, pas de sornettes sur le paradis ou l’enfer, pas de “Anne va être rappelée à Dieu” : la mort vue par Haneke est concrète, prosaïque, laïque, athée (elle est même autre chose, que l’on ne dévoilera pas mais qui suscitera forcément discussion).

Un jour, la vie s’arrête, c’est très douloureux, c’est inacceptable.

Il faut l’accepter, l’affronter. Haneke ne se (nous) raconte pas d’histoires et regarde l’inéluctable droit dans les yeux. En notre époque terrifiante de régression religieuse, cette placide et franche lucidité fait du bien.
Bien que clinique, voire empreint de cruauté, Amour est constamment touchant, et parfois bouleversant.

À ce stade, il faut parler d’Emmanuelle Riva et de Jean-Louis Trintignant, et ce n’est pas facile de trouver les bons mots, les mots justes, les mots non frelatés, tellement ce qu’ils font et sont ici est génial de puissance, de finesse, de précision, de courage.

Grâce à eux, on est saisis d’émotion à un triple niveau : Anne et Georges, Riva et Trintignant les êtres, Riva et Trintignant les acteurs. La Palme d’or du film leur appartient autant qu’à Michael Haneke, qui avait eu la juste inspiration de les amener avec lui sur la scène du palais des Festivals pour célébrer ensemble le triomphe de ce film unique.

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